Sex and the pity

Pourquoi m’inflige-je encore la Palme d’or alors que chaque année, je sors de la salle en confirmant que décidément, Cannes, c’est tout ce que je déteste ?

Pourquoi est-on toujours attiré par les mêmes personnes alors qu’on sait à l’avance que ça ne va pas marcher ?

Je crois que cela tient de la même volonté d’y croire, du même espoir désespéré…

 

La vie d’Adèle ne déroge pas à la règle : je me suis d’abord refusée à aller le voir car j’étais convaincue que cela allait être du misérabilisme à gogo, un frères Dardenne n°245.

Au fil des semaines, les amis, la famille y va. Ils en sortent transcendés, captivés par l’aura de la jeune Exarchopoulos, absorbés par le cadrage serré d’Abdellatif Kechiche. Plusieurs sont entrés dans le cinéma avec des à prioris suite à la polémique déclenchée par les actrices sur les conditions de tournage et sont pourtant ressortis ensorcelés.

C’est sur leurs conseils insistants que je me suis dit que, quand même, il fallait que j’y aille, que je n’étais pas à l’abri d’un miracle.

Hier en fin d’après-midi je dégage donc 3 heures dans mon emploi du temps pour aller m’asseoir dans une salle petite mais comble, auprès de deux mamies pour lesquelles je me suis un peu inquiétée. Savent-elles que le film est interdit au moins de 12 ans à cause des scènes de sexe (lesbien soit dit en passant) ?

La lumière s’éteint et le film commence. Durant trois heures, je passe par plusieurs phases.

La première c’est l’agacement.

N’y a t-il plus en France, un gamin de 15 ans qui sache faire une phrase en alignant deux mots autres que « trop pas », « trop bien » ou « grave » ? Est-on fiers des filles qui s’adressent des « tu l’as niqué ? » et des « tu me lècheras jamais la chatte » ?

Parce que moi, honnêtement, j’ai développé une aversion envers ce langage de racaille qui s’est généralisé au delà des banlieues parisiennes (l’histoire se passe à Lille).  Je ne mets pas en doute le fait que la France entière soit victime de ce dont je suis témoin tous les jours dans le métro mais, moi ça ne me fait pas rêver. Ce n’est pas ce que j’ai envie de voir au cinéma.

Par ailleurs, pense t-on vraiment que les ados ne s’identifieraient pas à un groupe de gosses qui parle sans cet accent résolument vulgaire qui durcit le moindre terme ? Se ferait-il frapper derrière le lycée, celui qui oserait utiliser un mot issu du dictionnaire ?

Je ne suis pas sûre que maintenir les enfants dans leur misère lexicale soit leur rendre service. Voilà pour la première doléance.

La seconde concerne le personnage d’Adèle. Cette jeune fille qui devient ensuite femme subit sa vie.

Alors oui, c’est un peu le lot de l’adolescence où l’on se cherche une identité, un caractère, où l’on se compare beaucoup aux autres… Mais c’est aussi l’âge de la rébellion, des passions, des colères hystériques et des malheurs qui donnent envie de crever.

Je m’attendais à des élans de fougue puis à des déchirements à grand renfort de hurlements et de larmes. Après avoir entendu les comédiennes dire qu’elles avaient passé des moments terribles, je pensais en voir la trace à l’écran mais non. Je n’ai rien ressenti à suivre leur histoire d’amour. Même les scènes de sexe interminables ne m’ont pas paru exprimer leurs sentiments. Je n’y ai vu que du cul, mal filmé, avec des lumières crues qui rendaient l’acte bestial, soit, mais banal tel un film X à petit budget.

Les mamies à ma gauche n’ont pas commenté les premiers ébats mais à la répétition (inutile selon moi) par trois fois de la jouissance, commençaient à se lasser sérieusement et de bon cœur lançaient des « et allez, c’est reparti ! ».

N’allez pas croire que j’ai été choquée par le fait que la scène se passe entre deux filles, cela m’importe peu. En revanche, je ne vois pas l’intérêt de nous en coller pour 8 minutes de positions et autres râlements. Qu’est-ce que cela apporte au film ?  N’était-il pas possible de nous faire comprendre que leur vie sexuelle était épanouissante en 3 minutes ?

Alors forcément, ça laisse le temps de réfléchir hein et moi, je me disais : comment on prévient ses parents que pour un premier tournage, on a accepté de frôler le porno ?,  comment on accepte d’ailleurs de se retrouver dans cette situation devant une équipe si réduite soit elle ?, comment ne se dit-on pas que des centaines de milliers de gens vont avoir cette image de nous ? 

Mystère…

Je m’égare là, revenons-en à ce que je disais : Adèle subit sa vie. Elle ne prend aucune initiative, ne décide de rien. On le constate quand elle se laisse convaincre par ses pseudo-amies de coucher avec un mec de terminale pour lequel elle ne ressent rien. Egalement lors de la manif d’étudiants, où ce n’est que lorsque les autres commencent à s’échauffer un peu qu’elle s’anime. De même à la gay pride où elle semble complètement absente jusqu’à ce qu’elle se laisse porter par l’ambiance. Elle se laisse ensuite entraîner par Emma puis couler dans la trahison avec son collègue.

Personnellement, je la trouve anesthésiée. Ni amoureuse ni vraiment malheureuse par la suite, juste lasse.

En cela, l’actrice est extrêmement bien castée : les yeux toujours mi-clos, la bouche toujours ouverte (en mangeant aussi, fantastique), elle  est loin d’incarner l’intelligence ou le dynamisme.

 

Pour résumer, la vie d’Adèle est selon moi banale et assez peu intéressante ce qui ne justifie pas d’être filmée.

Ne croyez pas que je n’aime que les images sublimes de Wong Kar-wai, je suis aussi grande fan de Larry Clark.

Je crois que je ne suis simplement pas sensible à ce cinéma français « d’auteur ». Il ne me procure rien.

Allez, la prochaine Palme, je n’y vais pas, promis !